Premiers de corvée

15 janvier 2018
Laurent Joffrin
La lettre politique
de Laurent Joffrin

Premiers de corvée

«Le président des riches»… Les adhérents de La République en marche n’aiment pas ce slogan, ce qui peut se comprendre. Une chose est sûre pourtant : Emmanuel Macron n’est pas le président des pauvres. Une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE),certes classé à gauche, mais surtout très crédible, vient le confirmer chiffres à l’appui. Les mesures fiscales contenues dans le budget 2018, voté en décembre par l’Assemblée, profitent d’abord aux catégories les plus aisées, sans aucune hésitation possible. Les 5% du haut de la pyramide des revenus bénéficieront de 42% des gains produits par le nouveau budget en faveur des contribuables. Les 5% les plus défavorisés voient à l’inverse leur revenu reculer de 0,6% en moyenne. Les chiffres absolus peuvent paraître faibles (moins 60 euros par an en moyenne pour les plus pauvres, quelque 1 000 euros de gain annuel pour les plus riches). Mais une morsure à 60 euros est toujours une morsure, forcément douloureuse pour celui qui gagne très peu, surtout quand il travaille dur, ce qui est le cas général. 1 000 euros pour les premiers de cordée, 60 euros de moins pour les premiers de corvée. On saisit l’idée générale…
Bien sûr, tout cela est justifié par l’impératif catégorique de la lutte pour l’emploi. A terme, si le chômage baisse, le gouvernement pourra trouver une justification rétrospective à ces efforts inégalement répartis. Encore que, sur ce point, l’OFCE impute l’amélioration de la situation de l’emploi à l’héritage Hollande plus qu’aux mesures Macron, dont l’effet est encore faible dans cette phase de démarrage de l’action gouvernementale. Après avoir bénéficié du précédent quinquennat, le gouvernement veut se débarrasser de son égalitarisme, pourtant modéré. Au bout du compte, on retombe toujours sur le même raisonnement des libéraux : pour que tout aille mieux en France, il faut que les pauvres soient plus pauvres et les riches plus riches.

Et aussi

Delphine Batho, candidate à la direction du PS, fustige la «petite mafia»que serait devenu le parti qu’elle souhaite diriger. Son énergie et ses convictions intiment le respect. Mais la formule est étrange : si le PS est une mafia, à quoi bon en prendre la tête ? Ce fut le raisonnement de Michael Corleone. On sait ce qui en est advenu. On pourrait en tirer un titre de film : Une femme dans la mafia.
Mathieu Gallet, président de Radio France, a été condamné à un an de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende en première instance. Il a fait appel. Il a surtout prévenu qu’il resterait en poste en dépit de sa condamnation. La présomption d’innocence reste valable jusqu’à une éventuelle condamnation définitive. Elle joue donc pour Mathieu Gallet. On remarquera toutefois qu’un ministre, dans une telle circonstance, aurait démissionné depuis longtemps. La mise en examen suffit. A fortiori la condamnation en première instance. Entre les hommes politiques, dont on dit toujours autant de mal, et les autres responsables de l’Etat, il y a de toute évidence deux traitements différents.
LAURENT JOFFRIN
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