Iran : Dieu sur la sellette

03 janvier 2018
Laurent Joffrin
La lettre politique
de Laurent Joffrin

Iran : Dieu sur la sellette

Il est une leçon éclatante de la crise iranienne qu’on ne tire guère, mais qui se voit pourtant comme le turban sur la tête d’un mollah : les ravages qu’exerce la religion dès qu’on la mélange avec la politique. On parle souvent de l’Iran en enfilant les perles : «un grand pays», «héritier d’une civilisation plusieurs fois millénaire», «acteur incontournable de la région», etc., toutes choses vraies qui ne nous apprennent rien sur la situation du pays. L’Iran d’aujourd’hui est d’abord une théocratie. Ce pays de culture et de créativité vit sous la férule de religieux obscurantistes qui maintiennent la société dans les rets d’une dictature minutieuse. Les mollahs contrôlent non seulement l’Etat, les finances, l’armée, mais aussi la presse, les écrans, la vie quotidienne et même les tenues vestimentaires. Le jeu politique se limite à l’affrontement des factions chiites, dont certaines sont plus ouvertes que d’autres, mais qui se rejoignent pour conserver les bases du régime existant.
Les protestations en cours, d’apparence économique ou sociale, visent en fait le cœur du système. On conteste les dépenses occasionnées par une politique étrangère fondée sur le soutien permanent aux alliés religieusement proches, le Hezbollah, ou bien le pouvoir alaouite en Syrie. On met en cause les subventions massives accordées aux associations religieuses. On s’indigne de la gestion désastreuse des «banques islamiques». On dénonce la corruption de l’establishment religieux qui détourne à grands seaux l’argent public au profit d’une mince couche de dignitaires. Au sommet de l’appareil répressif, les «gardiens de la révolution», troupe d’élite héritière du khomeinisme pur et dur, restent les principaux garants de la dictature, soucieux avant tout de réprimer toute aspiration populaire à un peu plus de liberté.
Cet impérialisme du spirituel est un mal du siècle qui commence. On le retrouve évidemment dans les monarchies du golfe, tout aussi totalitaires, ou dans la folle entreprise terroriste des minorités islamistes. Mais aussi, sous une forme heureusement plus bénigne, dans certaines démocraties. L’alliance de Trump avec la faction évangélique aggrave sa politique. L’influence politique des religieux en Israël bloque tout espoir de paix avec les Palestiniens. Le pouvoir de l’orthodoxie en Grèce ralentit les réformes sociales et conforte en Russie la démocrature poutinienne. Bref, Dieu, personne privée, se mêle de plus en plus de ce qui ne le regarde pas, à savoir l’organisation de la cité. La sécularisme dans les régimes de droit, ou la laïcité en France, reste l’un des biens les plus précieux pour tous ceux qui sont attachés à la liberté.

Et aussi

∎ Les indépendantistes ont logiquement et démocratiquement pris leurs fonctions à la tête de la collectivité unique de Corse. Discours en langues corse, hommage aux militants de la lutte armée, chants traditionnels, référence appuyée à Pascal Paoli, etc. tout y est passé. Mais parmi les revendications présentées à l’Etat français, plusieurs posent des problèmes juridiques, ou constitutionnels, difficilement surmontables. L’amnistie des assassins du préfet Erignac causerait un scandale national, le statut de résident corse recèle une rupture d’égalité délicate, la mise à égalité de la langue corse avec la langue française suppose une révision constitutionnelle. Seul le transfèrement des prisonniers en Corse paraît acceptable. Comme le disent les deux leaders du mouvement, avec une certaine sagesse, la route sera longue. Si tant est qu’elle mène à l’indépendance, qui suppose l’approbation d’une majorité en Corse.
∎ Edouard Philippe réunira les élus locaux concernés par Notre-Dame-des-Landes vendredi et la semaine prochaine. Il s’agit en fait de leur faire avaler l’abandon du projet au profit de l’extension de l’aéroport de Nantes, remise à l’honneur par un récent rapport d’experts. Il n’aura pas trop d’une semaine pour y parvenir…
LAURENT JOFFRIN
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