Chine : l'empire du silence

08 janvier 2018
Laurent Joffrin
La lettre politique
de Laurent Joffrin

Chine : l'empire du silence

Il faut parler aux dirigeants chinois, c’est l’évidence. Oui, mais de quoi ? Du climat, des relations commerciales, de la Corée du Nord et de toutes sortes de choses, ce que s’apprête à faire, à juste titre, Emmanuel Macron. Mais des droits de l’homme ? Non. Pas en public en tout cas. François Mitterrand avait en son temps jugé, lui aussi, qu’il fallait parler aux dirigeants de l’URSS, malgré l’Afghanistan, malgré la répression des dissidents, malgré le caractère totalitaire du régime soviétique. Mais en plein dîner officiel au Kremlin, dans une phrase prudente mais claire, il avait prononcé le nom d’Andreï Sakharov, prix Nobel, figure symbole de lutte pour la liberté en URSS, exilé par les autorités soviétiques à Gorki. Le passage avait été censuré par la presse officielle mais, autant qu’on s’en souvienne, le ciel ne lui était pas tombé sur la tête. C’est une audace – mesurée – qu’on n’a plus aujourd’hui.
Realpolitik, dira-t-on, intérêt bien compris de la France, qui a besoin de la Chine et entretient avec elle des liens historiques particuliers, depuis que les jésuites ont été reçus par les empereurs chinois ou, si l’on veut, depuis que le Général de Gaulle, le premier en Occident, avait reconnu officiellement le gouvernement de Mao Zedong.
Realpolitik mais faux réalisme. Car la Chine de Xi Jinping, si elle est un partenaire économique incontournable et un allié géopolitique dans certains domaines, est aussi un dangereux ennemi politique. Depuis qu’il s’est éveillé, qu’il est devenu la deuxième puissance mondiale, l’empire du Milieu se pose en concurrent idéologique redoutable pour les démocraties. La combinaison de l’ultralibéralisme d’Etat et d’un régime politique implacable qui soumet sa population à un contrôle tiré tout droit de l’anticipation de George Orwell, a hissé la Chine au sommet de la puissance industrielle et bientôt militaire. A beaucoup d’égards, ce pays en pleine réussite sert de référence à tous ceux qui voient dans l’alliance de l’autoritarisme et de l’économie de marché un gage de prospérité et de stabilité. Tout cela repose sur la répression minutieuse des esprits libres en Chine, sur l’oppression des masses paysannes qui ne participent pas à l’enrichissement chinois, sur la tyrannie exercée par les soldats et fonctionnaires chinois au Tibet. C’est une erreur stratégique autant qu’humanitaire de les faire passer sous la table. Quand on veut contenir la montée d’une puissance hostile, d’un concurrent politique redoutable, on ne commence pas par lui rendre les armes sur le terrain de l’idéologie.

Et aussi

• L’IG Metall, le plus puissant syndicat d’Allemagne – et d’Europe – demande le passage de la semaine de travail à 28 heures, assortie d’une augmentation de salaires de 6%. Pour appuyer sa revendication, l’organisation des travailleurs de la métallurgie (dont l’automobile, donc) prévoit une série de débrayages qui laissent augurer d’un conflit sérieux. On imagine les réactions qu’une telle demande susciterait si elle était formulée par un syndicat français… Horreur, folie, utopie ! On ne manquera pas d’en tirer argument à gauche : si les Allemands, parangons de la rigueur financière et économique, en débattent, pourquoi pas nous ? Ce à quoi d’autres répondront que l’Allemagne s’est d’abord dotée d’une compétitivité redoutable sur les marchés mondiaux, par exemple en promulguant les lois Hartz sur la flexibilité. Rien n’est simple…
• Laurent Wauquiez veut imposer à LR, dont il est le nouveau président, une ligne eurosceptique. Ce qui pourrait provoquer le ralliement d’une partie de ses troupes à Emmanuel Macron. Dans le même temps, Marine Le Pen, qui n’est plus europhobe mais eurosceptique, veut changer le nom de son parti de manière à faciliter de futures alliances. Coïncidence ? Ou préfiguration d’une recomposition plus large ?
LAURENT JOFFRIN
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