Lina est Syrienne et a travaillé pendant sept ans comme volontaire à la Croix-Rouge syrienne. Elle vit en Belgique mais continue à suivre de très près la situation en Syrie.
Depuis Alep, on n’entend plus beaucoup parler de la Syrie dans les médias. Quelle est la situation ?
Lina. À Alep même, la guerre a cessé. Les gens commencent même a y revenir. L’armée syrienne a aussi repris le contrôle de la campagne à l’Est d’Alep et a repris d’importantes sources d’eau à Daech.
Ailleurs, la situation n’a presque pas changé. Les lignes de front entre les parties combattantes restent les mêmes. Damas fait toujours l’objet d’attaques et attentats à la grenade par les rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL), Ahrar al-Sham, Al-Nosra – la branche syrienne d’Al-Qaeda – et d’autres groupes. C’est certes moindre qu’au début de la guerre, mais la violence s’enflamme à nouveau à chaque fois qu’ils veulent envoyer un signal politique au gouvernement syrien.
Ailleurs, la situation n’a presque pas changé. Les lignes de front entre les parties combattantes restent les mêmes. Damas fait toujours l’objet d’attaques et attentats à la grenade par les rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL), Ahrar al-Sham, Al-Nosra – la branche syrienne d’Al-Qaeda – et d’autres groupes. C’est certes moindre qu’au début de la guerre, mais la violence s’enflamme à nouveau à chaque fois qu’ils veulent envoyer un signal politique au gouvernement syrien.
La ville d’Idleb, au Sud-Ouest d’Alep, est une autre base pour diverses factions. Il y a là beaucoup de combattants qui étaient auparavant actifs dans la province de Damas. Dans la campagne autour de Daraa, au Sud du pays à la frontière avec Israël, rien n’a beaucoup évolué non plus. La ville antique de Palmyre a été reprise à Daech par l’armée gouvernementale syrienne. Daech continue à utiliser comme base la ville de Raqqa, dans l’Est de la Syrie, où des troupes syriennes, turques et américaines sont actuellement à l’offensive.
Dans le Nord, les tensions continuent à augmenter. Les Kurdes ont créé là et autour de Rojava une zone autonome, ce qui n’est pas du tout du goût de la Turquie. L’été dernier, la Turquie a franchi la frontière au Nord de la Syrie et a occupé un important territoire frontalier. Soi-disant pour attaquer Daech, mais dans les faits, avant tout pour viser les Kurdes de l’YPG (Unités de protection du peuple).
Pour rendre les choses encore plus complexes, les États-Unis, qui soutiennent d’autres forces, ont à nouveau envoyé des troupes et des armes dans la région. La Turquie n’a reçu aucun mandat de qui que ce soit pour occuper une partie du pays. C’est totalement contraire au droit international. D’autres pays, dont la Belgique, enfreignent également le droit international et bombardent sans mandat de l’ONU. C’est comme si tous ces pays venaient mener leur guerre sur le territoire de la Syrie, et c’est la population syrienne qui en paie le prix.
En ce moment se tiennent des négociations de paix. Où en sont-elles ?
Lina. La Russie et la Turquie sont intervenues comme médiateurs pour conclure un cessez-le-feu entre le gouvernement syrien et différents groupes d’opposition armés. Les discussions, auxquelles participe également l’Iran, ont commencé en janvier. L’idée est de mettre sur pied un mécanisme « trilatéral » pour surveiller le cessez-le-feu. Les discussions ont eu lieu à deux reprises à Astana, au Kazakhstan. Un prochain tour de discussions est prévu ce mois-ci.
À Genève se déroulent les négociations de paix de l’ONU entre le gouvernement syrien et les groupes d’opposition, sous la direction de l’envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, sur base de la résolution 2 254VN du Conseil de sécurité de l’ONU. Les trois premiers tours de discussions ont été laborieux, mais lors du quatrième, on peut tout de même parler d’une petite avancée. Personne n’a quitté la table et, en soi, c’est déjà une victoire. Quatre groupes de travail ont désormais été créés, chargés chacun d’élaborer un plan de travail sur l’application de la résolution 2 254 de l’ONU : sur le gouvernement, la Constitution et les élections. Le quatrième groupe a été ajouté par le gouvernement syrien et il concerne la lutte contre le terrorisme. Le prochain tour de discussion est pour fin mars, début avril.
Quelle est la situation humanitaire actuellement en Syrie ? Êtes-vous encore en contact avec vos anciens collègues de la Croix-Rouge syrienne ?
Lina. J’ai travaillé sept ans comme volontaire pour la Croix-Rouge syrienne. À l’époque, on investissait pour renforcer la capacité de l’aide lors des catastrophes et pour la reconstruction, tant au plan matériel que dans la formation des volontaires. Nous étions reconnus comme la seule ONG professionnelle au plan de l’aide d’urgence. Nous étions donc responsables de l'aide aux réfugiés d’Irak en 2003 et du Liban en 2006. Certains de mes anciens collègues y travaillent toujours et je sais par eux à quel point la Croix-Rouge assume des tâches très lourdes dans la crise actuelle. La force de la Croix-Rouge syrienne réside dans son règlement : il est interdit aux volontaires de choisir un camp ou de dispenser de l’aide sur base de préférences politiques ou religieuses. Après six années d’un conflit aussi difficile, la Croix-Rouge syrienne a toujours la confiance des différentes parties belligérantes et elle a ainsi accès à tous les territoires touchés par le conflit. Elle fournit non seulement de la nourriture, des abris et des soins de santé de base, mais elle aide aussi à réparer les installations d’approvisionnement en eau, elle aide aux évacuations dans les zones de guerre, à l’échange d’otages, elle accompagne des convois de l’ONU, largue de la nourriture dans des zones assiégées et soutient des projets aidant des familles de réfugiés à subsister. Elle fournit actuellement 556 logements et organise des cantines pour nourrir 9 400 familles.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Lina. C’est difficile à prévoir. En ce moment, il y a sur le terrain militaire des tensions qui menacent le processus diplomatique pour trouver une solution politique au conflit. Ces tensions sont causées par différents acteurs régionaux et internationaux. Surtout par les États-Unis qui viennent d’envoyer des troupes au sol, sans l’accord des autorités syriennes ou de l’ONU, et même sans l’approbation du Congrès des États-Unis lui-même.
Selon moi, l’issue à ce conflit réside dans le processus politique en cours sous la direction de l’ONU. Toutes nos forces diplomatiques doivent soutenir ce processus et inciter les différents groupes à participer aux négociations afin que la résolution de l’ONU puisse être appliquée.
Selon moi, l’issue à ce conflit réside dans le processus politique en cours sous la direction de l’ONU. Toutes nos forces diplomatiques doivent soutenir ce processus et inciter les différents groupes à participer aux négociations afin que la résolution de l’ONU puisse être appliquée.
Au plan humanitaire, nous devons accueillir de manière digne et humaine les Syriens qui ont fui la guerre et ses effroyables conséquences, et leur donner un toit et l’assistance dont ils ont besoin.
Photo: Des musiciens syriens sur la scène à Palmyre, après que l'armée syrienne a repris le site au groupe Etat Islamique (EI) le 5 mars 2017 (photo: journalist Maher Al- Mounes).