LES NOUVELLES QUI NOUS ARRIVENT NE SONT GUÈRE RASSURANTES. TENTATIVE D'EXPLICATION
De longues files devant des magasins aux rayons presque vides, une foule traversant la frontière en quête de papier de toilette ou de farine, l'armée assurant le contrôle des ports et de certaines entreprises étrangères ayant stoppé la production... Les nouvelles qui nous arrivent du Venezuela ne sont guère rassurantes. Que s'y passe-t-il donc?
Pourquoi y a t il des pénuries ?
Depuis la chute drastique des cours pétroliers, les Vénézuéliens éprouvent des difficultés à se procurer les produits de première nécessité. Depuis 1998, année d'arrivée au pouvoir du dirigeant progressiste Hugo Chávez et du début de la « révolution bolivarienne » avec ses réformes sociales et démocratiques, cet État pétrolier a satisfait les besoins de base de sa population grâce aux généreux revenus que les hydrocarbures lui prodiguait. Pour les classes populaires, ce fut un changement radical car ils purent du jour au lendemain accéder à des biens et services qui leurs étaient jadis impayables. La santé, l'éducation tout comme une bonne partie des produits alimentaires de base ont été en effet massivement subventionnés. Pour ces derniers, étant donné le faible développement de l'agriculture et de l'élevage dans le pays, l'Etat s'est concentré à importer ce dont sa population avait besoin. Les projets visant à doper la production nationale, que ce soit dans les domaines de l'agriculture ou de l'industrie, n'ont malheureusement jamais pu permettre au Venezuela de se libérer de sa dépendance des importations.
Alors que les cours pétroliers se maintiennent à des niveaux dramatiquement bas depuis plus de 2 ans, l'Etat vénézuélien s'est donc retrouvé dans l'incapacité d'importer la totalité de ce qui traditionnellement est consommé dans le pays. Mais cette situation délicate est aggravée par le fait que des cercles mafieux profitent de la rareté des biens pour les détourner et s'enrichir illégalement en laissant grimer les prix du marché noir jusqu'à des niveaux qui dépassent l'entendement. Pour empirer le tout, des quantités astronomiques de biens de consommation passent frauduleusement en Colombie voisine.
Les mesures radicales prises par le gouvernement de Nicolas Maduro – successeur d'Hugo Chavez, décédé en 2013 -, notamment la prise de contrôle des principaux port par l'armée, la fermeture depuis plusieurs mois de la frontière avec la Colombie ou encore la mise en place récente de comités populaires de distribution des produits subventionnés, n'ont pas suffit à mettre un fin aux défauts d'approvisionnement que subissent au quotidien les Vénézuéliens.
Un habitant de la ville frontalière de Cucuta (côté colombien) témoignait récemment1 de comment les Vénézuéliens venaient acheter dans son pays des produits qui leurs étaient normalement destinés. La situation est telle que jusqu'à 80% des produits de premières nécessités vendus aujourd'hui dans les villes frontalières de Colombie proviennent du Venezuela. Il s'agit de produits subventionnés par le gouvernement vénézuélien, détournés par les mafias, avec la complicité de certains fonctionnaires corrompus. Ce n'est donc pas le président Maduro qui "affame son peuple" comme certains veulent le faire croire, mais bien les contrebandiers qui poursuivent leur travail de sape. Malgré toute la bonne volonté et la fermeté du gouvernement vénézuélien, il est tout bonnement impossible de maintenir étanche une frontière qui s'étend sur plus de 2000 km à travers la forêt amazonienne...
Et comble du comble, les commerçants colombiens peu scrupuleux profitent des pénuries subies par les Vénézueliens pour subitement augmenter leurs prix de plus de 25%. De quoi bien sûr faire grimper le mécontentement des Vénézuéliens qui doivent traverser une frontière pour acheter des produits qui leurs sont destinés à un prix bien plus élévé que celui auquel ils devraient légalement être vendus dans leur propre pays.
Et comble du comble, les commerçants colombiens peu scrupuleux profitent des pénuries subies par les Vénézueliens pour subitement augmenter leurs prix de plus de 25%. De quoi bien sûr faire grimper le mécontentement des Vénézuéliens qui doivent traverser une frontière pour acheter des produits qui leurs sont destinés à un prix bien plus élévé que celui auquel ils devraient légalement être vendus dans leur propre pays.
A qui profite ce mécontentement populaire?
Le mécontentement légitime de la population qui subit ces pénuries depuis plusieurs mois est exacerbé d'une part par une opposition politique de droite, conseillée et soutenue financièrement par un grand nombre d'organisations nord-américaines ; et, d'autre part, par les médias, qui malgré les 18 ans de révolution bolivarienne, sont restés principalement dans les mains privées, hostiles à toutes les réformes redistributives mises sur pied avec succès au cours des deux dernières décénnies.
L'opposition conservatrice surfe avec un plaisir non dissimulé sur ce mécontentement. Après avoir obtenu la majorité au parlement lors des élections de décembre dernier, elle veut pousser Maduro à la sortie anticipée en organisant un référendum révocatoire. Elle n'hésite pas, pour 'accélérer' la récolection de signatures nécessaire à la mise en marche du processus révocatoire, à 'faire signer' même des morts et des enfants. Pour elle, plus la situation s'envenime, plus elle se sent capable de définitivement mettre un terme au projet mis en œuvre par Chavez. Qui plus est, l'évolution politique en Amérique latine leur est favorable. Le coup d'Etat 'constitutionnel' au Brésil contre la présidente Dilma Roussef ainsi que le virage néo-libéral emprunté par le nouveau président argentin Macri fait pousser des ailes à l'opposition qui se voit déjà diriger tout bientôt le pays. Par ailleurs, d'autres appellent de manière à peine masquée, à une intervention extérieure au Venezuela, même militaire s'il le faut. A leurs yeux, leur fin justifie tous les moyens. « Même si des dizaines de milliers de Vénézuéliens doivent en mourir »2, déclarait récemment Lilian Tintori, épouse d'un des responsables des violences ayant causé la mort de 43 personnes lors de la tentative violente de renverser le préident Maduro en février 2014.
Quelles sont les perspectives ?
Les cours pétroliers qui restent bas, la contrebande qui ne parvient pas à être jugulée, malgré les mesures radicales qui sont prises, tout comme l'ingérence des USA et de leurs alliés, ne présage rien de bon. La situation est potentiellement explosive et tout peut changer très rapident. Le peuple vénézuélien est énervé par les nombreuses heures qu'il doit consacrer (parfois sans succès) à chercher les aliments et médicaments dont il a besoin quotidiennement. Il en veut au gouvernement qui n'arrive pas à régler ce problème qui empoisonne son quotidien. Mais d'un autre côté, il est bien conscient qu'un retour de la droite aux commandes du pays serait équivalent à signer l'arrêt de mort des réformes impressionantes desquelles il a largement bénéficié. Les Vénézueliens sont bien mieux éduqués et en bien meilleure santé qu'il y à 20 ans. La droite n'a certainement pas encore gagné la bataille, car une grande partie des Vénézueliens ne veut pas d'un retour à la situation d'avant la révolution bolivarienne .
1https://www.youtube.com/watch?v=2T6hSW-gsbQ
2http://laiguana.tv/articulos/9628-vida-miles-venezolanos-mensaje-tuit-lilian-tintori-publicar-borrar





