Belgique BXL 'Quel avenir et quelles stratégies pour le mouvement pour la paix ?' at intal‏

QUEL AVENIR ET QUELLES STRATÉGIES POUR LE MOUVEMENT POUR LA PAIX ?


Ce samedi 8 août, sur le site de l’Université de Mons, des membres de diverses organisations se sont réunis pour une journée en deux temps. Au parc Hibakusha d’abord, une commémoration des septante ans du bombardement atomique sur Hiroshima et Nagasaki. Dans un auditoire ensuite, pour une conférence sur l’avenir du mouvement pour la paix. Compte-rendu.
 

Prises de parole au parc Hibakusha

Vers 11h20, l’accueil des participants effectué, les prises de parole peuvent commencer. Les représentants de diverses organisations se succèdent, chacun faisant valoir sa perspective propre, qu’elle soit pacifiste, progressiste ou écologiste.

Guillaume Defossé (CNAPD) avance qu’il y a 17 000 bombes nucléaires de par le monde, dont une vingtaine en Belgique. Il dénonce le double discours de la Belgique qui, d’une part, dit vouloir le désarmement et, d’autre part, entraîne ses pilotes à pouvoir larguer des bombes avec des F-16. Une représentante du Comité de Surveillance OTAN (CSO) souligne que croire que nous pourrions échapper à des frappes nucléaires en frappant la Russie est une illusion et que, dans une éventuelle guerre, les morts se compteraient en millions, voire en milliards. Carla Goffi (Mouvement Chrétien pour la Paix) souligne le caractère criminel de l’utilisation militaire de l’énergie nucléaire, de l’extraction de l’uranium au Niger au stockage des déchets radioactifs. Elle évoque la campagne des pacifistes britanniques contre le renouvellement des missiles Trident en Ecosse.  Stéphanie Demblon (Agir pour la Paix) invite à être présent le 26 octobre au Palais de Justice de Mons pour soutenir les sept militants bomspotters qui avaient fait irruption dans les installations du SHAPE pour y prendre des images et les diffuser. Les autorités belges ont en effet décidé de poursuivre les sept militants devant une cour correctionnelle pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Mais ces militants estiment être poursuivis pour délit politique et exigent d’être jugés alors en cour d’Assises.

D’autres représentants d’organisations prennent ensuite la parole, comme l’Association des Médecins pour la Prévention de la Guerre Nucléaire (AMPGN), le GRAPPE (Groupe de réflexion et d’action pour une politique écologique), qui souligne l’initiative autrichienne visant à combler le vide juridique en matière d’armes nucléaires, le Comité de lutte contre l’usage des armes à uranium appauvri, qui évoque les souffrances des Irakiens, et Europe for Peace, qui dénonce le danger que fait peser la possibilité d’une guerre sur la civilisation humaine.

Viennent ensuite une lecture de poèmes ainsi qu’une minute de silence en l’honneur des victimes de l’usage militaire de l’énergie nucléaire.
 

Conférence sur l’avenir du mouvement pour la paix

A 13h40 débute la conférence proprement dite. La modératrice Claudine Polet (CSO) souligne que la journée ne doit pas se limiter à la commémoration d’événements, aussi tragiques soient-ils, mais qu’elle doit s’accompagner d’une réflexion et d’un débat sur le
combat pacifiste et en particulier sur la nécessité de créer une nouvelle génération de militants.

Luc Mampaey (GRIP) aborde ensuite le Traité de Non-Prolifération (TNP). Signé en 1968 par un grand nombre de pays, il est basé sur trois piliers : la non-prolifération, l’usage pacifique de l’énergie nucléaire et le désarmement. Concernant le premier pilier, cela fonctionne plus ou moins : depuis 1968, seuls quatre Etats ont acquis la bombe (Israël, Inde, Pakistan et Corée du Nord) et neuf Etats ont renoncé à leur programme. Le deuxième pilier n’est contesté que par l’Autriche. Mais c’est le troisième qui coince : en vertu de l’article 6, tous les Etats ont en effet pris l’engagement de procéder à un désarmement nucléaire. Or il n’y a eu aucune avancée majeure depuis 1995, date à laquelle les Etats se sont décidés à se réunir tous les cinq ans pour examiner la situation. En avril-mai 2015, une nouvelle réunion s’est déroulée. Elle devait aboutir à un nouveau texte minimaliste. Mais le 22 mai, coup de théâtre : les USA, le Royaume-Uni et le Canada refusent d’adopter ce texte, arguant du fait qu’ils ne sont pas d’accord avec le projet de faire du Moyen-Orient une zone dénucléarisée. On comprend vite qu’Israël, pourtant non-membre du TNP et n’assistant à la conférence qu’en tant qu’observateur, a pesé de tout son poids pour faire capoter le projet. Cela a particulièrement énervé l’Afrique du Sud. L’ambassadeur de cette dernière a souligné l’absence de dynamique de désarmement et posé la question de l’obsolescence du TNP. Si tel est le cas, il faut réfléchir à d’autres initiatives, comme celles de Pretoria et celle de Vienne, évoquée plus haut.

L’activiste et auteur français Ben Cramer prend ensuite la parole. Après avoir cité sa devise : « Si tu veux la paix, connais la guerre », il s’attaque aux mythes qui accompagnent la prolifération nucléaire, comme celui selon lequel elle nous aurait évité la guerre depuis 1945 et celui selon lequel les armes nucléaires « peuvent toujours servir » (contre des astéroïdes, contre des « Etats fous »). L’explosion de la bombe atomique nous a aussi amené à réfléchir sur les limites de notre puissance en tant qu’espèce. Là se rejoignent les pacifistes et les écologistes. Faire le lien entre les deux problématiques, pacifiste et écologiste, permettrait de donner des alternatives réalistes : par exemple, pénaliser les entreprises d’armement pour leur contribution au réchauffement climatique, comme cela se fait déjà en Afrique du Sud, ou créer des zones dénucléarisées (Arctique, Europe).

Guillaume Defossé (CNAPD) parle ensuite de la campagne contre l’achat des F-35 par le gouvernement belge. En 2023, les avions de chasse F-16 auront effectué leur nombre d’heures de vol maximal. Or les USA envisagent de moderniser leurs bombes et ont besoin d’avions adapté. Les nouvelles bombes devraient arriver en Belgique en 2019 et c’est pour cela qu’ils plaident pour l’achat des F-35. Il récapitule ensuite les principaux arguments du « non » à cet achat : seule une minorité de la population belge est favorable ; cela coûterait six milliards d’euros dans un contexte de restriction budgétaire ; on peut douter des retombées économiques positives ; cela n’apporterait pas plus de stabilité au monde ; l’argent débloqué pourrait servir à des finalités plus constructives, comme l’enseignement, la protection sociale, la culture, l’accueil des migrants… Concernant la plateforme, elle est composée d’une centaine d’organisations. Des contacts ont été pris avec les partis d’opposition. Notons que si l’initiative est soutenue par les jeunesses syndicales et certaines centrales, les directions syndicales sont plutôt réticentes pour l’instant, sensibles à l’argument de la création d’emplois. Une pétition a été lancée et l’objectif est de récolter 50 000 signatures pour le 24 avril prochain, jour de la manifestation contre le renouvellement. En outre, la prochaine conférence pour la paix, qui doit avoir lieu en octobre, sera consacrée à ce sujet.

Vient ensuite le débat. Divers sujets sont abordés, comme les convergences entre pacifisme et féminisme, les éventuelles stratégies de reconversion des firmes d’armement, le danger du largage de bombes atomiques par des drones, les lacunes du droit international en la matière, le Traité Transatlantique, le réarmement de l’Allemagne, les tendances bellicistes du gouvernement de Shinzo Abe au Japon, les liens Grèce-Israël, l’appartenance de la Belgique à l’OTAN, … Luc Mampaey rappelle qu’en 2000, l’indice boursier du secteur de l’armement (DFI) n’intéressait que très peu les investisseurs, surtout braqués sur le Nasdaq. C’est ce que l’on a appelé la « bulle Internet ». Celle-ci a explosé en avril 2000 et nombre d’investisseurs se sont rabattus sur le DFI, qui a connu un envol, accentué par les attentats du 11 septembre 2001 et l’agression contre l’Irak en 2003. La valeur du DFI a ensuite chuté, comme toutes les autres, lors de l’automne 2008, avant de reprendre et de ne plus cesser d’augmenter depuis. Actuellement, elle représente 2000 % de ce qu’elle était en 1996, alors que celle du Nasdaq ne représente que 300 %. Ce qui montre qu’il y a bel et bien militarisation de l’économie. Le travail s’annonce très difficile pour le mouvement pour la paix.

Pour en savoir plus sur l’action des bomspotters et le procès en préparation :

https://bomspotters.wordpress.com/


Pour signer la pétition contre l’achat des F-35 :

http://www.intal.be/fr/article/pas-davions-de-chasse-signez-la-petition