Belgium Bruxelles dit "oui mais non" à la méga-prison de Haren

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Bruxelles dit "oui mais non" à la méga-prison de Haren


Le projet fédéral visant à implanter une nouvelle prison sur l’ancien site de l’Otan, à Haren, suscite un vent continu de contestations. Les riverains s’y opposent. Les représentants de la justice en critiquent violemment la philosophie et les implications pour le monde judiciaire. Les amis de la nature luttent contre la destruction d’un espace vert prisé du voisinage.
Quant à la commune dont dépend le terrain harenois, la Ville de Bruxelles, elle se montre carrément hostile. Fondamentalement, elle ne veut pas de cet établissement pénitentiaire qui doit vider les prisons de Saint-Gilles et Forest. La Ville est toutefois coincée par un accord de principe datant de la législature précédente. "Mais cet accord portait sur une infrastructure de 300 à 400 détenus", explique Geoffroy Coomans de Brachène (MR), échevin de l’Urbanisme à la Ville de Bruxelles. Aujourd’hui il s’agit d’une "méga-prison" de près de 1200 détenus. Un monde de différence. "Le quartier a beaucoup changé depuis le lancement du projet (en 2008, NdlR)", ajoute le premier échevin libéral Alain Courtois, visiblement préoccupé.
Le collège échevinal de la Ville de Bruxelles vient d’arrêter sa position officielle sur le projet du gouvernement fédéral, alors que mercredi, le dossier doit à nouveau faire l’objet d’une commission de concertation à la suite de l’enquête publique. L’avis de la Ville est paradoxalement favorable, selon le document qu’un vent - favorable lui aussi - a porté jusqu’à la rédaction de "La Libre". Il est favorable tant pour le permis d’environnement que pour le permis d’urbanisme. Mais il est assorti d’une kyrielle de conditions. "C’est un oui mais non", éclaire Yvan Mayeur (PS), le bourgmestre de la Ville de Bruxelles, contacté pour commenter cette décision.
Coûts pour la police et le CPAS
Outre l’exigence d’une augmentation de la desserte en transports publics et toute une série d’aménagements de voirie afin d’optimiser l’accessibilité de la prison, la Ville demande des compensations. Et pas des moindres. Ainsi le permis d’urbanisme est sujet à un avis favorable "à condition de résoudre la question du transfèrement des détenus""L’implémentation d’une nouvelle prison entraînera des nouvelles missions pour la zone de police, notamment en matière de transfèrement des détenus, en cas de grève du personnel", y lit-on aussi. Particulièrement visée : la maison d’arrêt qui par nature suppose plus de déplacements vers le pôle judiciaire de la place Poelaert, au centre-ville, mais également plus de mouvements pour les avocats et magistrats.
Ça n’est pas tout. La Ville de Bruxelles exige "que le projet n’entraîne aucune charge complémentaire pour le CPAS de la Ville", indique la décision communale. Yvan Mayeur explique : "Une jurisprudence permet aux détenus de solliciter des aides sociales au CPAS de la commune qui héberge la prison, cette surcharge financière est intenable pour notre CPAS."
Manque à gagner urbanistique
Enfin, la Ville de Bruxelles réclame la signature d’une convention avec l’État fédéral et la Région de Bruxelles-capitale "portant sur la mise en œuvre d’une compensation immobilière ou foncière pour pallier le déficit urbanistique et financier qu’induit, pour la Ville, la construction de la prison". La Ville observe que les communes de Forest et Saint-Gilles vont pouvoir valoriser d’importantes réserves foncières à la suite du démantèlement des anciennes prisons.
Tout cela, c’est bien beau, mais la Ville n’a que peu de poids dans ce dossier. Cet avis est purement consultatif. Il pourra toutefois appuyer la commune si cette dernière décide de joindre un recours aux innombrables procédures qui risquent de s’abattre sur le projet. Le ministre de la Justice entend démarrer les travaux dès l’an prochain. Pour une ouverture prévue en 2018.

Pour les non abonnés, voilà l'article du Soir en entier. Pas très courageuse la Ville. 


La Ville de Bruxelles favorable à la prison de Haren sous conditionsarticle débloqué


Vanessa Lhuillier
Mis en ligne  

La commission de concertation doit rendre son avis sur la prison de Haren ce mardi. La Ville a déjà émis un avis favorable assorti de nombreuses conditions.

La                    densité de la population carcérale de la future prison                    de Haren a toujours crispé les Harenois. © D.R.

  • La densité de la population carcérale de la future prison de Haren a toujours crispé les Harenois. © D.R.

Le verdict ne sera rendu que ce mardi très tard dans la soirée, mais il ne sera a priori pas très différent de celui de la Ville de Bruxelles. Légalement, le collège bruxellois devait remettre son avis sur la construction de la méga-prison de Haren au plus tard 30 jours après la fin de l’enquête publique, soit vendredi dernier. L’avis est favorable mais assorti de conditions très restrictives qui obligeront le fédéral à revoir sa copie.
Evidemment, la Ville de Bruxelles n’est qu’un des membres de la commission de concertation. Cette dernière se compose également de Bruxelles Environnement, Bruxelles Développement urbain (BDU), la Direction des Monuments et sites, Citydev.brussels et Bruxelles Mobilité. Il faut donc voir quelle majorité se dégagera mais l’avis du collège échevinal bruxellois risque de donner le ton.
Pour rappel, le projet mené par la Régie des bâtiments fédérale sera la plus importante prison de la capitale avec une capacité de 1.190 détenus, répartis sur huit entités. En tout, un terrain de 18 hectares a été réservé au projet.
La prison représentera une superficie réelle de 51.000m² de bâtiments auxquels il faut ajouter 15.000m² de surfaces extérieures. Trois entités pour les hommes, deux zones pour les femmes, une pour les jeunes dessaisis, un centre de psychiatrie légale et une entité de gestion générale sont prévues. Cet établissement devrait également marquer un tournant dans la façon dont la vie du pénitencier est conçue. Si la sécurité vers l’extérieur sera maximale, les détenus seront plus libres de leurs mouvements à l’intérieur du complexe. Le but est de rendre la prison plus humaine afin de favoriser la réinsertion.
Pour compenser la grande distance entre Haren et le palais de justice de la place Poelaert, le fédéral a également prévu de créer un mini-tribunal dans l’enceinte même de la prison. Cela réduit le personnel pour le transfèrement des prisonniers ainsi que le temps passé sur la route.
Cet argument ne tient pas pour le collège bruxellois et fait partie des dispositions à changer dans le dossier. Aujourd’hui, il faut 15 minutes pour transférer les prisonniers de Saint-Gilles et Forest vers la place Poelaert. Depuis Haren, le trajet prendra 45 minutes voire une heure. Cela implique donc un triplement de la charge de travail pour les policiers. Or, la semaine dernière, certaines séances au palais de justice n’ont pu se faire en public car le personnel se plaignait déjà de la surcharge de travail.
Dans l’avis de la Ville, il est donc stipulé que la zone de police ne peut se voir infliger des coûts supplémentaires liés au transfèrement des détenus, à une grève du personnel pénitentiaire ou encore à des troubles à l’ordre public devant la prison.
Le transfèrement des détenus est sans conteste un des points qui crispent le plus le collège, les riverains et les magistrats. Ces derniers s’opposent d’ailleurs fermement à la création d’un mini-palais de justice dans l’enceinte de la prison. Pour certains, cela ne serait d’ailleurs pas légal de mélanger les deux fonctions dans un même lieu. Des recours pourraient être engagés et le syndicat de la magistrature engagera certainement de bons avocats.
La Ville émet également des objections quant au plan de mobilité proposé par le fédéral. Elle demande que tout le trafic passe par le boulevard de la Woluwe afin de ne pas engorger les petites rues résidentielles de Haren. La desserte en transports en commun doit aussi être revue à la hausse.
Enfin, le collège demande qu’aucun détenu ne puisse s’inscrire au CPAS de la Ville de Bruxelles. Là aussi, les cordons de la bourse sont liés avec un colson bien serré.
En remettant un avis favorable soumis à de telles conditions, la Ville de Bruxelles a préféré le compromis à l’affrontement direct. Les membres socialistes du collège ne peuvent clairement s’opposer à ce dossier qui permettrait à la Région de réaménager les sites de Saint-Gilles et de Forest, réalisant au passage une belle promotion immobilière. Les libéraux, eux, n’ont jamais été enthousiastes mais s’étaient montrés favorables au premier projet de prison qui prévoyait l’accueil de 300 détenus.