TENSIONS À CALAIS : ÉLÉMENTS DE LECTURE
05Mardiaoût 2014
Posted in Non classé
Des bagarres entre exilés attirent l’attention des médias dans le creux du mois d’août, révélatrices de tensions en partie bien réelles et en partie factices.
Une donnée qui n’est évidemment pas maitrisable depuis Calais, une forte augmentation du nombre d’exilés traversant la Méditerranée depuis la Libye, arrivant en Italie, dont une partie continue sa route vers la reste de l’Europe, et une partie se dirige vers le Royaume-uni et arrive à Calais, ou plus en amont près des parkings autoroutiers, à Norrent-Fontes ou Steenvoorde.
Il s’agit pour Calais de quelques centaines de personnes en plus, ce qui dans la cadre d’une politique d’accueil ne poserait pas trop de problèmes. Mais il s’agit aussi de personnes qui sont confrontées de manière brutale et inattendue à la manière dont elles sont traitées en Europe et en particulier en France, et qui vont donc désespérément vouloir quitter ce pays qui leur fait des conditions de vie impossibles, pour un autre pays qu’elles espèrent plus hospitalier. Des personnes aussi qui arrivent avec très peu d’argent, voire pas d’argent du tout, peu d’informations, peu de contacts. Qui, se trouvant bloquées à Calais, n’ont pas les ressources nécessaires pour se réorienter vers l’Allemagne, les Pays-bas ou la Scandinavie.
Le 28 mai dernier, les autorités détruisent trois campements situés au centre-ville ou à sa proximité immédiate. Le 2 juillet, elles évacuent un campement et trois squats proches aussi du centre-ville, qui sont aussi des lieux organisés, le lieu de distribution des repas que des exilés ont occupé pour revendiquer des conditions d’accueil dignes, et trois squats ouverts par le collectif "Salut ô toit". Les exilés sont pour la plupart repoussés à la périphérie de la ville, dans des conditions très précaires, dans des lieux sans eau, dans des endroits où ils sont harcelés par la police et où les associations ont beaucoup plus de difficultés à être présentes. Parallèlement, le lieu aménagé pour la distribution des repas est resté fermé depuis le 2 juillet, et l’accueil de jour du Secours catholique a été réquisitionné quelques jours avant, obligeant à un déménagement précipité dans un local mal adapté. Les autorités ont donc voulu clairement désorganiser le travail des associations.
Les tensions actuelles résultent donc très largement des expulsions de squats et de campements et de l’action des autorités.
Dans ce contexte, les exilés plus nombreux et sans argent s’organisent autrement pour le passage. Plutôt que d’essayer discrétement par petits groupes, ils misent sur le nombre pour dérouter la police et la sécurité du port.
Différents intervenants comme la police ou la Chambre de commerce et d’industrie, gestionnaire du port, communiquent sur le manque d’effectif. Dans le même temps on peut voir des fourgons de CRS tourner en ville à longueur de journée, faire des arrêts devant la friterie, le distributeur de billets ou sur le parking de la plage, ou parfois verbaliser des voitures mal garées. Les policiers en tout cas ne sont pas en sous-effectif et ont du temps à tuer. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne se trouvent pas dans des situations difficiles sur les lieux de passage, mais la situation est visiblement plus complexe. Les exilés, eux, nous disent qu’il est difficile de passer, qu’ils se font arrêter par la police ou par la sécurité – qui ne sont donc pas si débordées que ça.
Il y a deux lieux de passage à Calais, le Tunnel sous la Manche, et le port par les ferries, respectivement au nord-ouest et au sud-est de la ville. Les modalités sont les mêmes, monter dans les camions ou se glisser dessous, sur les essieux. Les personnes qui campement dans le zone industrielle des Dunes, entre autres sur les terrains de l’usine Tioxide, essayent par le port, elles sont principalement érythréennes, éthiopiennes, soudanaises, afghanes. Celles qui campent près du Fort Nieulay essayent par le Tunnel, il s’agit surtout de Soudanais et de Tchadiens.
Visiblement, un nombre important de personnes qui essayent normalement par le Tunnel ont voulu aller par le port, et ça a provoqué des heurts qui viennent de prendre deux nuit de suite des proportions importantes. Ils sont résultat direct de la difficulté à passer la frontière et à l’absence d’autres perspectives que de tenter de gagner le Royaume-uni.
_____________________________________________________
LA CONFÉRENCE DE PRESSE DU PRÉFET
04Lundiaoût 2014
Posted in Non classé
Le préfet du Pas-de-Calais a tenu ce matin une conférence de presse sur le sujet des "migrants", au cours de laquelle il a annoncé trois mesures : le renforcement des effectifs de CRS dans le port, une information sur l’asile par l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration), un sursis de quelques semaines pour l’évacuation du campement situé sur les terrains de l’usine Tioxide et de l’occupation du site de l’ancienne entreprise Galloo, impasse des Salines ("l’occupation Galou").
Il n’est pas possible de dire si une demie-compagnie de CRS, 40 policiers, va réellement changer la donne dans le port. Ce qui est clair par contre est qu’il y a déjà beaucoup de monde à Calais, que la situation autour du passage est tendue, et que rendre le passage plus difficile aggravera ces tensions. Les bagarres qui ont opposé plus de cent exilés la nuit dernière et ont repris ce soir en témoignent. Contrairement à ce qui a été parfois écrit, il ne s’agit de rixes entre communautés (Érythréens contre Soudanais), mais entre groupes qui traditionnellement n’interfèrent pas, parce que passant à des endroits différents (le tunnel et le port), l’un composé surtout de Soudanais, mais pas seulement, l’autre surtout d’Érythréens et d’Éthiopiens, mais aussi de Soudanais et d’autres nationalités. devenus trop nombreux, l’un des groupes tente de faire sa place sur le lieu de passage de l’autre, lui même trop nombreux par rapport aux possibilités de passage.
Le nombre de personnes remontant d’Italie après voir traversé la Méditerranée va continuer à augmenter au moins jusqu’à l’automne (la navigation devenant ensuite plus difficile). Plus le passage sera difficile, plus les tensions vont augmenter. Il faut donc proposer à ces personnes d’autres solutions crédibles que de tenter de passer en Angleterre sous ou dans les camions – sauf si les autorités font le pari que l’aggravation des violences servira à justifier les futures expulsions.
La seule solution proposée pour l’instant par les autorités est la visite sur le terrain d’agents de l’OFII, deux fois cette semaine, une fois par semaine ensuite. Ça a déjà été fait en juin dernier, en amont des expulsions du 2 juillet, sans grand succès, ce pour deux raisons.
La première est le manque de moyens humains de l’OFII, d’abord en matière d’interprétariat, d’où un problème basique pour se faire comprendre et communiquer. Ensuite pas assez d’agents et visiblement mal préparés à leur tâche. D’où une impression d’amateurisme et un manque flagrant d’efficacité.
Ensuite et peut-être surtout, d’un côté on informe les exilés de la possibilité de demander l’asile en France, de l’autre ces mêmes exilés font l’expérience quotidienne, dans leur chair, de la violence des autorités françaises à leur égard, par les conditions de vie qu’elles leur imposent, et par le harcèlement policier auquel ils sont confrontés. Les tensions actuelles autour du passage viennent du fait que ces personnes sont prêtes à tout pour quitter se pays qui les traite si mal.
Pour que la perspective de demander l’asile en France acquière un minimum de crédibilité, il faut que les personnes se sentent traitées humainement, ce qui veut dire en finir avec le harcèlement policier, et améliorer sensiblement les conditions de vie. C’est une discussion qui doit s’ouvrir sans délais avec les acteurs concernés.
En effet, ce répit de trois semaines ou un mois n’a de sens que s’il sert avec les acteurs de terrain, avec les institutions concernées et avec les personnes exilées, à trouver des solutions à la situation et à les mettre en place. Expulser sans solution dans trois semaines ou un mois n’aura pas plus de sens ni plus d’humanité que maintenant.
____________________________________________________
UN AVIS SUR LES CAMPEMENTS
03Dimancheaoût 2014
Posted in Non classé
Le Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées a publié le 3 juillet un "Avis sur la situation des populations des campements en France Métropolitaine". Sans surprise, il souligne la multiplication des expulsions, la non-application ou l’application partielle des dispositions permettant de les anticiper et de prévoir des solutions de relogement, le non-respect des textes en vigueur dans le droit français et dans le droit international, et les violations des droits des personnes.
Si cet avis fait référence plus particulièrement aux populations Rromes ou considérées comme telles, une partie de ses conclusions s’appliquent aussi aux campements d’exilés.
Notamment cette conclusion :
"Chaque situation présente des spécificités qui lui sont propres, mais différents outils ont été imaginés et/ou mis en place pour permettre l’inclusion de ces personnes vivant dans des conditions d’extrême pauvreté.
Il ne manque que la volonté pour les mettre en œuvre."
_____________________________________________________
"MES AMIS… AU SECOURS", APPEL POUR CALAIS D’EMMAÜS DUNKERQUE
02Samediaoût 2014
Posted in Non classé
Il y a de la misère partout en France. Mais celle des exilés à Calais a valeur de symbole par l’intensité des violences exercées à ciel ouvert, sa concentration dans l’espace, sa longévité dans le temps, la manière évidente dont elle fabriquée et entretenue par les autorités, les politiques. Un point de concentration de violences répandues dans la société française. Un point où les mobilisations peuvent se concentrer, sans exclure la mobilisation ailleurs.
" Février 1954 – Juillet 2014
MES AMIS… AU SECOURS !
NOUS AVONS BESOIN DE VOUS
Chaque jour, des centaines d’hommes, femmes et enfants
errent dans les rues de CALAIS.
Pourchassés, traqués et agressés par la police,
Pourchassés, traqués et agressés par la police,
Victimes de l’infernale et inhumaine logique politique et économique,
Ils sont un millier à être perdus
Sans toit ni pain
Ils ont quitté la guerre
Aujourd’hui, EN FRANCE, ils perdent leur humanité,
Aujourd’hui, EN FRANCE, ils perdent leur humanité,
Si nous n’intervenons pas, nous risquons, nous aussi de perdre notre humanité
Peut être avez vous en stock de quoi les aider ?
Nous manquons de tout
Peut être avez vous un camion qui attend de démarrer ?
Venez partager
Peut être avez vous envie de partager un moment avec nos frères, « compagnons du monde » !
Alors : compagnons, amis, salariés
En route…
TOUS A CALAIS
SOYEZ FOUS
Embarquez vous
Nous vous attendons
Nous pouvons vous accueillir
Et comme l’Abbé, il y a 60 ans, faisons naître, partout où c’est nécessaire, à Calais, et ailleurs, des CENTRES FRATERNELS DE
DEPANNAGE , et accrochons à leur entrée une pancarte avec ces simples mots :
« TOI QUI SOUFFRES, QUI QUE TU SOIS,
ENTRE, DORS, MANGE, REPREND ESPOIR, ICI ON T’AIME »
Chacun de nous peut venir en aide aux "sans abri",
migrants d’aujourd’hui, migrants de demain.
Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain :
• 5 000 couvertures,
• 300 grandes tentes américaines,
• 200 poêles catalytiques…
(liste ci-dessous)
Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera
dans les jardins et sur les quais de Calais.
MERCI !
"Tant qu’il existera la misère, aussi longtemps que régnera l’exclusion, nous ne connaîtrons ni la paix de l’âme, ni la paix, ni la joie du cœur !"
[L'abbé Pierre]
MERCI
Emmaus Dunkerque
06 08 61 62 95
BESOINS :
De quoi survivre et dormir dehors :
Tentes / Bâches / Matelas / Duvets / Couvertures, chaussures
De quoi bricoler un semblant de chez-soi :
Cordes / Palettes / Bois / Des éléments pour délimiter des espaces (planches légères, etc…) et des Tables / Chaises / Tapis / Parasols.
De quoi se préparer à manger :
Matériel de cuisine (Grandes marmites / grands réchauds / Gamelles / Bouteilles de gaz / Vaisselle, produits vaisselle, balais, sacs poubelles / éponges / balais
De quoi manger :
Thé – café – sucre – sel – épices
De quoi se laver :
Savons – serviettes éponges
De quoi tenter d’avoir l’électricité ou s’éclairer :
Câbles électriques / Ampoules, etc…
Bougies
De quoi se déplacer :
Vélos / Roues de vélos / Bouts de vélos / Outils
De quoi se changer les idées :
Livres / Jeux de cartes / Jeux de société / Ballon / Batte de cricket / Peinture ou bombes de peinture (pour refaire la déco’)
Besoins de musiciens
De quoi y croire :
VOUS
TOUT DE SUITE "
À MM. CAPET, MARIÉ, PÉRICAUD, ROUSSEL, MME SBAÏ, M. VASSEUR
01Vendrediaoût 2014
Posted in Non classé
Madame, Messieurs,
Élu-e-s au conseil municipal de Calais, au conseil général du Pas-de-Calais, au conseil régional du Nord – Pas-de-Calais, à l’assemblée nationale, vous avez pris position publiquement pour une issue positive et humaine à l’impasse dans laquelle se trouve la situation des exilés à Calais.
Il est temps de passer aux actes.
Deux décisions d’expulsion sont prises, et peuvent être exécutées dans les jours qui viennent.
L’une concerne les campements qui se sont installés suite aux expulsions des 28 mai et 2 juillet sur les terrains de l’usine Tioxide, à deux pas de la "Jungle de Calais" détruite en 2009. Trois cents personnes habitent là selon la préfecture, probablement plus selon ce qu’on peut observer sur le terrain. Des mineur-e-s, des enfants de moins de six ans, des femmes, certaines enceintes, des hommes. Rien que de très ordinaire au regard de la violence en oeuvre à Calais depuis douze ans.
L’autre concerne le site anciennement occupé par les entreprises Vandamme et Galloo, impasse des Salines. Une grosse centaine de personnes y habite, quelques centaines le fréquentent pour accéder à l’eau, se laver, accéder à un repas, se reposer. Bien plus, ce n’est pas une "jungle", c’est un espace social complexe co-construit par des exilé-e-s, des militant-e-s, des Calaisien-e-s engagé-e-s ou non.
La question pratique qui se pose, là, à très court terme, est : où vont aller ces gens ?
Il vous est peut-être possible de convaincre le préfet de laisser un peu de temps, de ne pas accorder le concours de la force publique avant qu’une solution soit trouvée pour le relogement des personnes.
Mais la question la première est celle d’où aller.
Donc un lieu, et un accord rapide pour que les exilés puissent s’y installer. Donc un propriétaire qui soit d’accord. En terme de collectivité publique, on pense d’abord à Calais au conseil régional. Mais il faut sans doute aussi explorer – rapidement, et en évitant de s’enfermer dans le ping-pong sans fin où chacun renvoie la responsabilité à l’autre et où rien ne se passe – d’autres possibilités, y compris une réquisition par le préfet – voie aléatoire puisque sur un sujet sensible médiatiquement elle suppose l’aval de Paris.
Donc un lieu. Tout un chacun peut planter sa tente sur un terrain avec l’accord du propriétaire, pour trois mois au maximum. Il n’y a donc pas de délit pouvant servir de prétexte à une intervention de la police. Avec l’accord du propriétaire, il est possible d’aménager les commodités nécessaires à une vie à-peu-près digne. Il faut que ce lieu soit accessible pour les associations, les Calaisien-e-s impliqué-e-s puissent s’y investir, faciliter l’information et l’accès aux droits, faire reculer une autre source de violence liée au racket et au passage.
Solution précaire, insatisfaisante, bricolage dans l’urgence, certes. Mais inversion de tendance. On ne jette pas à la rue dans la violence, on réinstalle dans un lieu où les personnes peuvent rester en sécurité, pour se donner le temps de mettre en place des solutions durables.
Ça vous pouvez le faire.
Merci.
Bron : https://passeursdhospitalites.wordpress.com/








