INTERVIEW AVEC JESÚS EMILIO TUBERQUIA DE LA COMMUNAUTÉ DE PAIX EN COLOMBIE


los compañeros de SAn Jose ApartadoLa semaine du 17 octobre 2011, 2 paysans de la Communauté de paix de San José de Apartadó (Nord-Ouest de la Colombie) étaient présent en Belgique dans le cadre de leur tournée européene organisée par Amnesty International. Nous en avons profité pour leur poser des questions sur l'Accord de libre échange entre l'Union européenne et la Colombie et le Pérou.
Interview de Jesús Emilio Tuberquia, représentant de la Communauté de Paix de San José de Apartadó, Colombie, réalisée par Maria de intal Amérique-Latine. Faire partie du groupe sur l'Amérique Latine? Contactamericalatina@intal.be
Quelle est la difficulté majeure à laquelle est confrontée la Communauté de Paix de San José de Apartadó ? La menace constante exercée par les forces de l'ordre (armée et police), les faux procès et les recensements.
Que sont les recensements ? Chaque fois qu'un paysan se déplace d'un hameau à l'autre, pour vendre ses produits, pour se rendre au bourg voisin pour acheter des médicaments, pour aller travailler, etc., on lui demande sa carte d'identité, on lui demande où il va, tous les déplacements sont contrôlés, c'est cela que nous appelons le recensement, et c'est grave, parce que la seule raison pour laquelle l'armée et la police le font, c'est pour savoir qui a quitté le hameau, seul ou accompagné, pour aller où, etc.; il est alors plus facile de nous tuer, ils sont informés de tout, le contrôle est total sur toute la population.
Mais qui informent-ils alors ?
Et bien, ce sont eux-mêmes qui avertissent les autres des endroits par lesquels nous allons passer, par lesquels le paysan va passer et là, ils le capturent quand il est seul, le torturent et le tuent; si c'est un leader de la communauté, cela leur est plus facile pour l'assassiner.
Si vous appartenez à une communauté de Paix qui s'est déclarée neutre dans le conflit, en quoi représentez-vous un danger ? Quel intérêt y a-t-il à vous enlever de vos terres ?
Notre région est riche en or, en charbon, en ressources hydriques, en biodiversité, etc. Cette guerre dont nous souffrons obéit aux intérêts des multinationales, cela vient de la colonisation. Lorsque l'Espagne et le reste de l'Europe ont envahi les Amériques, les envahisseurs sont venus pour l'or; maintenant, ils viennent pour tout, l'éducation, l'eau, la santé, la terre. Notre peuple continue d'être esclave, on nous a pris notre pays.
Ils nous tuent et nous croyons vivre en démocratie, et cela tient à l'éducation conçue pour nous faire obéir au système. On te parle de démocratie, de liberté, mais je m'interroge : Où les trouve-t-on ? Liberté pour les multinationales pour qu'elles nous tuent et s'emparent de nos terres.
British Petroleum, Repsol, Exxon, Renault, Monsanto avec ses semences transgéniques, Nestlé, qui tue ses ouvriers, Chiquita Brands, qui continue de tuer; en 1928, alors qu'elle s'appelait Fruit Company, elle a tué plus de 1200 ouvriers. Anglo Gold, Drummond, et les entreprises qui commencent à privatiser les rivières pour y construire des retenues et nous vendre ensuite l'énergie, à nous Colombiens, à des prix impossibles à payer. Nous n'avons déjà plus d'eau pour nous laver, dans plusieurs quartiers des grandes villes, les gens doivent acheter des tickets pour se laver, qu'est-ce que c'est que cette horreur, où allons-nous, ils veulent nous faire tous mourir de faim. Si nous, les paysans, disparaissons, comment l'humanité va-t-elle survivre ?
Que pensez-vous du TLC avec les États-Unis, celui entre la Corée et la Colombie et celui de l'Europe avec la Colombie ? Nous ne sommes pas d'accord, parce que ce sont les multinationales qui vont voler les ressources; il y aura d'avantage de déplacements, il n'y aura plus de terre à cultiver, ni de paysans parce qu'ils finiront par nous extinguer tous.
Les terres en Colombie ont déjà été adjugées aux Coréens et aux États-Unis, maintenant à l'Europe; ce sera le sommet du pillage. Ça, c'est la véritable guerre, mais une guerre silencieuse, dans laquelle on nous envahit peu à peu, avec l'appui des riches et de notre gouvernement sans honneur. Maintenant, oui, nous allons perdre non seulement notre souveraineté alimentaire, mais toute notre souveraineté nationale.
De nombreux analystes de la situation colombienne disent qu'il existe 2 Colombies, la Colombie des champs et la Colombie des villes, que les habitants des villes sont indifférents et éloignés de la réalité de la situation que vivent les paysans.
Moi, je dis non : il n'y a qu'une seule Colombie mais 2 réalités, la réalité que vivent les riches, les dirigeants, qui violent notre souveraineté nationale et livrent notre pays à la voracité des intérêts économiques, et la réalité des paysans, des afro-descendants, des indigènes, des travailleurs, des étudiants, des millions de pauvres qui construisons la paix, face à l'autre réalité de ceux qui causent la guerre, la classe dirigeante.
Que pouvons-nous faire depuis l'Europe pour vous ? Ne pas laisser détruire la nature, parce que si la nature est détruite, les habitants du monde entier, l'humanité disparaîtra. Si nous continuons de soutenir un système qui détruit la vie même, qui exploite la nature sans se préoccuper des graves dégâts causés à la terre, aux fleuves, aux animaux, alors nous-mêmes, nous disparaîtrons.
Les Traités de libre échange doivent permettre aux peuples du Nord et du Sud de se développer de manière équilibrée, améliorer les conditions de vie des habitants, l'emploi, la santé, l'éducation, respecter la nature. Un commerce juste qui favorise le développement de tous les peuples est une garantie de paix; un commerce qui ne favorise que les monopoles produira de la richesse et du bien-être pour les puissants qui pourront ainsi accumuler et exercer le pouvoir afin de s'approprier le monde. Cela, nous ne pouvons pas le permettre.

Bron : Intal.be / Maria