L'Europe et l'Islam en attente de leur avenir / L'Europe et l'Islam / L'avenir cérébral de deux civilisations


Eu égard aux événements nationaux et internationaux qui ont grandement monopolisé l’attention des Français ces deux dernière semaines, nous n’avons pas voulu publier les deux derniers billets du philosophe Manuel de Diéguez (pourtant en relation des plus étroites avec l’actualité brulante qui touche notre pays) puisque de toute évidence, en ces semaines agitées, ils n’auraient pas pu recevoir toute l’attention qu’ils méritent.

En effet, dans ce moment si particulier que vit la France, il n’était guère facile de faire taire l’outrancière cacophonie généralisée des médias et des « personnalités » visibles qui jouent à travers leur verbiage indécent avec l’avenir de notre pays et du monde avec tant de légèreté coupable! Tous ces gens n’ont en effet qu’une seule idée furieuse en tête : parler, parler encore et encore… mais pour ne jamais rien dire de raisonnable !

Parler raisonnablement est un acte de la volonté or, les gens de pouvoir, n’ont surtout pas envie d’intervenir dans ce cadre, ils veulent seulement se vautrer dans celui des passions, des fantasmes, de l'abrutissement de ceux qu'ils n'hésitent pas à considérer comme leurs sujets; leurs inférieurs… bref dans un cadre qui ne peut que conduire notre pays, à davantage de faillite morale encore ... si tant est que cela soit possible! 

Alors après tant de logorrhées nuisibles, il est temps de se poser un peu et de se contraindre à aborder les problématiques civilisationelles en cours différemment… avec sagesse, à travers la rigueur de la réflexion intellectuelle qui permet de poser des questions nécessaires pour lever les voiles sur les diverses propagandes politiques dangereuses et qui mènent inexorablement l’humanité à sa perte.

Les intellectuels ont en effet cette responsabilité de poser les bonnes questions et de proposer des analyses éclairantes basées, non sur des élucubrations sorties de leur boite crânienne, mais sur des analyses rigoureuses des systèmes symboliques avec lesquels les hommes vivent depuis la nuit des temps.

Après lecture, libre à chaque lecteur d’adhérer ou non aux conclusions de ces analyses proposées… car en être libre, ce dernier est lui-même en action avec sa propre raison pour décider s’il peut, s'il veut adhérer ou non aux dites conclusions qui lui auront été proposées avec sagesse.

Le CCY

Introduction

I - Le piège du nihilisme raisonné

L'Islam est demeuré une civilisation principalement religieuse, l'Occident est devenu une civilisation essentiellement scientifique et philosophique. L'avenir de l'intelligence mondiale dépend des relations que ces deux modèles d'encéphales entretiendront entre eux tout au long d'un siècle de transition - le nôtre. Si l'Islam et l'Occident devaient persévérer à camper sur leurs territoires respectifs, le simianthrope deviendrait une espèce irrémédiablement dichotomisée par la scission de sa boîte osseuse entre le savoir expérimental, d'un côté, qui rendra le monde faussement intelligible, et le rêve théologique, de l'autre, lequel tente depuis des millénaires d'affubler le cosmos d'une signification ridiculement anthropocentrique.

Mais dans le cas où le genre humain continuerait d'osciller entre l'illusion religieuse et le mutisme des sciences, il n'y aura jamais de civilisation unifiante et en marche sur tous les fronts, puisque les sciences dites humaines cesseront de tenter de décrypter les secrets de la double subjectivité collective qui pilote les évadés de la zoologie. Alors, non seulement les mythes religieux s'obstineront à camper sur leurs positions et refuseront de jamais apprendre à se connaître elles-mêmes, mais elles s'interdiront également de commettre le sacrilège opposé, celui de prendre l'offensive et de décoder la subjectivité cachée, qui commande les constructions théoriques de la science.

Car les huissiers de la nature chapeautent leurs constats de la volubilité imaginaire qu'ils attribuent aux routines de la matière. Ce blocage biface du "Connais-toi" témoigne d'une naïveté commune aux deux camps et conduira nécessairement l'humanisme mondial à une stérilité asphyxiante, puisque l'anthropopithèque renoncera à éclairer des feux de sa raison ses épouvantes les plus irraisonnées et ses exorcismes les plus originels.

II - Le retour de Socrate

Si les théologies et les théories scientifiques se révèlent toutes deux des ensorcellements du cosmos qui s'ignorent en tant qu'exorcismes un gouffre plus effrayant encore attend les évadés susdits de la zoologie, celui-là même qu'un spéléologue athénien découvrit il y a vingt-cinq siècles. Car cet audacieux disait à la fois que l'ignorance est la source de tous les maux et qu'il est impossible de jamais la vaincre, mais qu'il est du moins à notre portée de la connaître en tant que telle et de dénoncer les ruses et les recettes qui permettent non seulement à sa majesté, l'illusion, de se convaincre de posséder le savoir, mais en outre de se donner l'illusion de construire des preuves légitimantes, alors que celles-ci tirent de leur raisonnements mêmes d'ignorants leurs prétendues démonstrations de la " vérité ".

Cette découverte sacrilège a commandé la planète de la pensée occidentale; elle la commandera encore demain. Car si les instruments de la preuve sont les enfants de la problématique erronée qui les sous-tend il faudra se demander d'où elles surgissent, ce qu'elles s'efforcent de cacher sous leur armure et comment elles se sont construites sur des falsifications persuasives. De plus, si le destin du "Connais-toi" se révèle l'avenir de la lucidité, peut-être l'islam des rites et l'Occident du blasphème se trouvent-ils d'avance et côte à côte sur le seul chemin qui donnera une dimension ascensionnelle à la civilisation mondiale de la pensée socratique retrouvée.

III - L'effraction

Il était inévitable que le premier chimpanzé détoisonné regarderait autour de lui avec effarement et se donnerait des interlocuteurs imaginaires afin qu'ils disent à cet abasourdi comment il doit se vêtir, comment il s'entretiendra en public ou en tête à tête avec ses tuteurs, ses guides et ses protecteurs et surtout comment et à l'aide de quels instruments, il devra abattre les animaux de boucherie dont le ciel lui aura ordonné de se nourrir.

Par bonheur, le ridicule peut jouer un rôle épistémologique inespéré s'il condamne deux civilisations à approfondir le génie qui appartient en propre à l'une et à l'autre et à ne jamais quitter le sentier qui les conduit toutes deux vers leur sommet. Ce n'est pas à comparer leurs vêtures, leurs nourritures et leurs contes de fées que la civilisation occidentale et la civilisation musulmane marcheront vers l'humanité pensante de demain, ce n'est pas à l'école et à l'écoute de leurs rites, de leurs coutumes et de leurs prières qu'elles paieront d'audace et relèveront le défi de leur solitude partagée dans le silence et le vide de l'immensité. Il est stérile de comparer entre eux des enchantements de magiciens et absurde de mettre des livres pour enfants entre les mains des adultes. La querelle sur la viande casher et la viande Halal nous renvoie à la batrachomyomachie d'Homère

Quel sera le premier exploit de la bête lucide, vaillante et dérélictionnelle à laquelle la nature a donné un premier regard sur sa minusculité et sur ses promesses de grandeur? Celui du courage intellectuel de se demander pourquoi les dieux sont des assassins aux narines gourmandes et pourquoi ils demandent à leurs créatures de leur apporter, à titre de pénitence, des cadavres parfumés de leurs congénères ou des carcasses odoriférantes de bestiaux. Ce courage-là ressortit à l'introspection olfactive. C'est par la porte de cette profanation des encens que nous allons tenter d'entrer dans le christianisme à l'écoute de l'islam et dans l'islam à l'écoute du christianisme. Bonne chance aux cambrioleurs de l'inconscient religieux, bonne chance aux voleurs du feu sacré, bonne chance aux auteurs coupables de l'effraction socratique. 

Lire la suite du billet sur le site de Manuel de Diéguez




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L'Europe et l'Islam / L'avenir cérébral de deux civilisations



Le 25 mars, j'ai mis en ligne sur ce site une première réflexion sur les chances d'un avenir commun de la pensée philosophique de l'Islam et de l'Europe et je situais un approfondissement de la connaissance anthropologique du meurtre rituel au cœur de cette spéléologie. Le 23 mars, l'affaire Merah était aussitôt devenue la proie des factions politiques. M. Nicolas Sarkozy y a évidemment trouvé l'occasion de rappeler que le prestige attaché à la fonction présidentielle est une arme politique bienvenue en période électorale. Alain Rey nous rappellerait que le substantif autorité se dit auctoritas en latin et que l'ajout de ce c vient du verbe augere, augmenter, prendre du poids et de la force - augere donne auctum au passé. Mais ce qu'il conviendrait de faire croître n'est autre que les relations intellectuelles entre les deux civilisations. Car le meurtre sacrificiel se trouve enraciné depuis trois millénaires en Occident, tandis que la transgression des religions immolatrices est du côté de l'islam. L'affaire de Toulouse sera-t-elle le déclencheur d'une réflexion anthropologique sur les relations que les deux civilisations entretiennent avec le sang au cœur de l'assassinat sacré qui a ponctué la politique, la religion et l'histoire de l'humanité? Quelle mise en orbite d'un nouvel avenir de la pensée rationnelle!     

 Introduction

Donner à une divinité gloutonne un être humain ou un animal à dévorer n'est que le transport de victuailles terrestres dans des nues voraces: les religions inassouvies ne naissent qu'après coup -il a bien fallu trouver un destinataire insatiable des offrandes de sang d'un petit carnassier à la recherche d'un fauve de plus grande taille que lui dont il fera son mandataire et son protecteur.

Telle est la portée anthropologique immense d'une découverte qui appartient à Chateaubriand. Sans le trait de génie de l'esthète préfreudien du Génie du christianisme, on ne saurait saisir sur le vif l'origine semi animale des relations que le sang de l'histoire entretient avec le sacré. Suétone: "On montrait encore à Vélitres [ville des Volsques située dans le Latium] un autel consacré à Octave [le futur Auguste], qui commandait l'armée romaine et qui, averti d'une incursion soudaine de l'ennemi pendant qu'il offrait un sacrifice à Mars, retira aussitôt du feu les entrailles encore à moitié crues de la victime et courut au combat, d'où il revint victorieux." (Suétone, Octave-Auguste, chap. 1)

Il s'agissait de porter en toute hâte une mangeaille de choix au dieu de la guerre. Du temps de Romulus, il était encore interdit de goinfrer les dieux de viandes non préparées et insuffisamment amollies par la cuisson (madida), mais à partir de Tullius, on permit sans vergogne de leur offrir des plats mal cuisinés, tellement elle est glissante, la pente de la piété vers la négligence ou même l'irrespect. Mais, en l'espèce, il a fallu se précipiter à la table du dieu - il y avait urgence de lui apporter à manger.

Elargir le champ du regard sur l'inconscient religieux de la politique, c'est tenter d'approfondir la connaissance anthropologique de l'histoire à l'école d'une interprétation rationnelle de l'évolution de notre cerveau; mais c'est également armer les Etats de l'assise d'un décryptage psychobiologique du meurtre originel dont le sacrifice de l'autel se présente en témoin universel. Car quelques siècles seulement plus tard, on n'offrait plus de la chair crue ou cuite à point au Dieu des chrétiens ; mais, de nos jours encore, le créateur du cosmos hume le parfum d'une chair et d'un sang agréables à ses narines devenues délicates. Que penser d'un sacrifice rendu exclusivement olfactif et qualifié de "bonne odeur" par ses théologiens, que penser d'une idole privée de proies à dévorer à belles dents? Comment ne pas se demander si notre espèce appartient encore à la zoologie ou déjà à une espèce pensante, du moins à titre embryonnaire, comment ne pas déplacer résolument la frontière actuellement admise entre l'homme et l'animal, comment ne pas cesser de tracer une ligne de démarcation artificielle entre la bête et nous ? Ce n'est pas à partir de Prométhée, le voleur du feu de Zeus qu'Adam est apparu, mais à l'heure de la transgression cogitante qui place l'Octave de Suétone quelque part entre l'homme à venir et le chimpanzé. Observons le singe nu qui, encore de nos jours, porte des entrailles mal cuites (semicocta) au dieu Mars. 

Lire la suite du billet sur le site de Manuel de Diéguez

       

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