Guillaume Weill-Raynal, avocat et essayiste, dénonce le discours de Bernard-Henri Lévy sur le processus de paix israélo-palestinien. Selon lui, «BHL poursuit son inlassable combat en faveur de la solution «deux peuples deux états»... tout en se faisant l'ardent défenseur de ceux qui s'acharnent à tout faire pour que cette solution ne voit jamais le jour».
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Suffit-il de clamer de manière incantatoire son attachement indéfectible à la solution «2P2E» pour vouloir vraiment la paix? Encore faudrait-il s'entendre sur le chemin qui y mène, à défaut de quoi cette solution idéale n'apparaît plus que comme le mirage lointain et chimérique d'un horizon qui recule à mesure que l'on avance. Et c'est là que le bât blesse: car la solidité des arguments avancés par BHL pour justifier de son hostilité à l'initiative diplomatique palestinienne laisse quelque peu à désirer. A tel point qu'on en vient presque à imaginer un sous-titre invisible à cet article en forme d'oxymore: La paix? vraiment pas! Mais l'essentiel n'est-il pas de pouvoir continuer à dire, «c'est pas ma faute»?
Car pour BHL les Israéliens seraient irréprochables, et la thèse d'une «prétendue intransigeance» israélienne une «prémisse fausse». A preuve, dit-il, une opinion publique, dont 70% serait «massivement acquise à l'idée du partage de la terre». Certes, mais quel rapport entre des sondages d'opinion -dont la portée est toujours discutable- et la réalité de politiques gouvernementales qui, de toute évidence, et depuis au moins quinze ans, s'orientent non moins massivement vers l'idée contraire? Fables que tout cela! Sans craindre le ridicule, BHL complimente la droite israélienne pour le «chemin parcouru depuis le temps où son chef croyait encore aux dangereuses chimères du Grand Israël». On se frotte les yeux: aux déclarations des années 1990 -«jamais un Etat palestinien ne verra le jour»- ont succédé les professions de foi floues et lénifiantes sur les décisions «douloureuses» que l'on se déclare prêt à assumer...«le moment venu», c'est-à-dire dans un futur aussi lointain qu'improbable. Dans le même temps et alors que la colonisation de la Cisjordanie se poursuit, une nouvelle terminologie a été adoptée: les territoires occupés sont devenus des territoires disputés...
A la suite de quoi, l'ex-nouveau philosophe (mais où est passée la philosophie dans tout ça?), pointe les«signaux inquiétants» de l'intransigeance palestinienne, qui se serait manifestée notamment par l'«hommage appuyé» rendu par Mahmoud Abbas, dans son discours onusien, à... Yasser Arafat! Défense de rire. Quant à la question des implantations, seuls les naïfs croient encore qu'elle constitue le fond essentiel du contentieux. Le «désaccord», selon BHL, ne porterait que sur la forme. Une banale et mesquine question de procédure qui, là encore, révèlerait la vraie nature des Palestiniens:
«Le désaccord, sur cette affaire, oppose ceux qui, derrière Mahmoud Abbas, exigent qu'elles soient gelées avant que l'on revienne à la table des négociations et ceux qui, avec Netanyahou, refusent que l'on pose en préalable ce qui devra être l'un des objets de la négociation.»
Extraordinaire tour de passe-passe! Les termes soigneusement choisis désignent subrepticement le fauteur de trouble et, surtout, inversent complètement l'ordre des responsabilités. Le mauvais joueur, dans une négociation, chacun le sait, c'est celui qui, en posant des «conditions préalables», met la charrue avant les bœufs et la fin des négociations avant leur commencement. Mais quel est ici l'objet de la négociation? Des territoires que les israéliens exigent de pouvoir continuer à coloniser avant même que les négociations aient permis de s'entendre sur celui des deux partenaires à qui ils doivent être attribués. Ce qui équivaut à réclamer le droit de continuer à dévorer le gâteau pendant que l'on négocie sur la part qui revient à chacun. On comprend, dans ces conditions, que celui qui est en train de manger n'aime pas que l'on dérange son appétit, et qu'il regarde comme une initiative «hostile» toute tentative de son partenaire d'accélérer le processus pour parvenir à la paix, c'est-à-dire à un partage honnête et équitable.
Et si les jeux étaient déjà faits? Nombreux sont ceux qui, chaque jour, s'interrogent. Ou ne s'interrogent même plus. Ainsi, pour le chercheur Julien Salingues interrogé par Libération : «Au sein même de l'OLP, beaucoup disent que c'est fini, plié. Créer un Etat palestinien ne leur semble plus possible car les bases d'un Etat indépendant ne sont plus là». On citera Benjamin Barthe qui fut correspondant du Monde à Ramallah de 2002 à 2011: « Dans l'impensé médiatique, il y a l'idée que, grosso modo, on est face à une région qui peut se diviser en deux : Il y a Israël, et à l'Est, il y a la Cisjordanie. Et ça, c'est le produit d'une production cartographique très courante (...) ça entretient l'idée que... bon, on va y arriver à créer ces deux états. Il suffira, grosso modo, de trancher en suivant cette fameuse ligne verte (... ) Alors que quand on passe du temps sur le terrain, la carte qui me semble la plus pertinente, c'est celle-là : où il n'y a pas la Palestine d'un côté et Israël de l'autre... mais il y a Israël partout et puis... quelques enclaves Palestiniennes au milieu». On citera enfinEric Zemmour qui, avec une lucidité même pas cynique, reconnaissait benoitement il y a quelques jours sur Paris Première : «il n'y aura pas d'Etat palestinien, parce que tout simplement, il n'y a plus de base territoriale pour un Etat palestinien, parce que les Israéliens, depuis 20 ans, les ont privés de base territoriale en coupant leur territoire, en mettant des colonies partout... et que les Israéliens, en vérité, ne veulent pas d'Etat palestinien. Ils ne le disent pas, mais ils n'en veulent pas».
Et pendant ce temps -«depuis plus de quarante ans»- BHL poursuit son inlassable combat en faveur de la solution «deux peuples deux états»... tout en se faisant l'ardent défenseur de ceux qui s'acharnent à tout faire pour que cette solution ne voit jamais le jour.
Une sélection de quelques commentaires qui ont suivi ce billet:
15/11/2011, 23:31par jamesinparis
Après la lecture d'une phrase de BHL, ma première pensée est toujours pour la femme de ménage qui répasse ses chemises blanches.
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16/11/2011, 00:04par Stankig
Merci pour cet article, qui fait tomber les masques du mensonge organisé par l'état d'Israël depuis au moins 15 ans.
Les Palestiniens de la zone A sont même obligés d'acheter l'eau aux Israéliens. C'est Israël qui leur verse les taxes (droits de douane etc.) qu'ils prélèvent...quand ils le veulent bien. Par exemple en ce moment ils ont décidé de ne pas les reverser en représailles à la reconnaissance de la Palestine par l'UNESCO (rectifiez-moi s'il y a du nouveau à ce sujet ou si je me trompe). A rapprocher de la décision du gouvernement américain de supprimer son aide à l'UNESCO.
Quand on pense que la zone A de Cisjordanie est baptisée "zone autonome" par Israël... ça donne une idée de l'autonomie. Quelle honte.
Mais les choses se clarifient progressivement. Le chantage à l'antisémitisme dès qu'on critique Israël fonctionne de moins en moins.
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16/11/2011, 00:04par Stankig
Merci pour cet article, qui fait tomber les masques du mensonge organisé par l'état d'Israël depuis au moins 15 ans.
Les Palestiniens de la zone A sont même obligés d'acheter l'eau aux Israéliens. C'est Israël qui leur verse les taxes (droits de douane etc.) qu'ils prélèvent...quand ils le veulent bien. Par exemple en ce moment ils ont décidé de ne pas les reverser en représailles à la reconnaissance de la Palestine par l'UNESCO (rectifiez-moi s'il y a du nouveau à ce sujet ou si je me trompe). A rapprocher de la décision du gouvernement américain de supprimer son aide à l'UNESCO.
Quand on pense que la zone A de Cisjordanie est baptisée "zone autonome" par Israël... ça donne une idée de l'autonomie. Quelle honte.
Mais les choses se clarifient progressivement. Le chantage à l'antisémitisme dès qu'on critique Israël fonctionne de moins en moins.
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15/11/2011, 21:41par Dominique Boury
Depuis longtemps je ne suis pas d'accord avec le mot d'ordre "deux peuples, deux états" qui est géographiquement difficilement justifiable et qui contient en germes des risques de conflits permanents, qui ne rend pas justice aux droits des palestiniens et qui légitime l'état sioniste d'Israël.
Je préfère défendre l'idée de "deux peuples, un territoire, un état", du Golan aux confins du Sinaïe. Les modalités constitutionnelles de cet état seront surement difficiles à élaborer, mais d'autres nations arrivent à faire cohabiter des langues, des races, des ethnies, des religions différentes. Pas toujours facilement, mais avec la possibilité de formes de vie commune que ne permettraient pas la rigidité de deux états (l'un nucléaire et l'autre pas!)
Je préfère défendre l'idée de "deux peuples, un territoire, un état", du Golan aux confins du Sinaïe. Les modalités constitutionnelles de cet état seront surement difficiles à élaborer, mais d'autres nations arrivent à faire cohabiter des langues, des races, des ethnies, des religions différentes. Pas toujours facilement, mais avec la possibilité de formes de vie commune que ne permettraient pas la rigidité de deux états (l'un nucléaire et l'autre pas!)
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16/11/2011, 00:28par jafr
Impossible un débat, sur Israel, avec les Juifs. Même avec ceux parmi les Juifs qui le souhaitent.
Car avec l'Israel ils sont en train de réaliser un rêve, leur rêve, reçu un héritage.
Impossible de débattre avec eux à ce sujet car les bases de cette entreprise, ne sont pas "de notre monde". Cette création d'un état est une sorte d'office religieux, d'un rituel.
Et il n'y a pas de dynamique humaine comparable à celle engendrée par une ferveur religieuse.
A présent elle les place dans un état second et ils disposent de moyens pour défendre leur projet. La présence des Palestiniens constitue tout simplement une gène dans la réalisation de ce projet.
Nous qui n'en sommes pas, si nous voulons faire ami-ami avec les autres, nous le pouvons mais entre nous, pas avec eux. Ça les fait marrer doucement.
La démocratie c'est un leurre qui a fait de nous des spectateurs, des passifs, des vaux.
La preuve.
Car avec l'Israel ils sont en train de réaliser un rêve, leur rêve, reçu un héritage.
Impossible de débattre avec eux à ce sujet car les bases de cette entreprise, ne sont pas "de notre monde". Cette création d'un état est une sorte d'office religieux, d'un rituel.
Et il n'y a pas de dynamique humaine comparable à celle engendrée par une ferveur religieuse.
A présent elle les place dans un état second et ils disposent de moyens pour défendre leur projet. La présence des Palestiniens constitue tout simplement une gène dans la réalisation de ce projet.
Nous qui n'en sommes pas, si nous voulons faire ami-ami avec les autres, nous le pouvons mais entre nous, pas avec eux. Ça les fait marrer doucement.
La démocratie c'est un leurre qui a fait de nous des spectateurs, des passifs, des vaux.
La preuve.
URL du billet: http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/151111/israel-palestine-le-double-langage-de-bernard-h





