«Israël a annexé la vallée du Jourdain»

Publié le 29 mai 2011 sur le site tdg.ch
par Andrés Allemand

Cisjordanie - B’tselem dénonce un «fait accompli» dans cette zone vitale pour un futur Etat palestinien

Reste-t-il encore assez de terre pour créer un Etat palestinien viable? La question s’impose après la lecture du dernier rapport de B’tselem. L’organisation israélienne de défense des droits de l’homme dénonce «l’annexion de facto» de la vallée du Jourdain et des rives de la mer Morte. Soit 28,8% de la Cisjordanie. Un vaste couloir absolument vital pour le développement d’un futur Etat palestinien indépendant.

On est loin, ici, de la «guerre des mots» à laquelle se livrent Barack Obama, Benyamin Netanyahou, Mahmoud Abbas et le Hamas, pour savoir si la «ligne verte» de 1967 servira un jour de point de départ à une négociation sur les futures frontières. Ce que B’tselem observe et analyse, c’est l’évolution sur le terrain. Or, si tout le monde sait que l’Etat hébreu a créé un fait accompli en annexant Jérusalem-Est et en développant des colonies près de la ligne verte, le sort de la vallée du Jourdain est méconnu.

Le contrôle de l’eau

Or B’tselem semble laisser peu de doute. Au cours des ans, Israël aurait exclu la population arabe de 77,5% de ce territoire en combinant diverses décisions administratives: les 53,4% de cette zone classés «terrain d’Etat» (où les Palestiniens ne peuvent pas construire), près de la moitié des terres censées être des «zones de tir militaire» (même si elles bordent de grandes routes ou des bâtiments agricoles) et un cinquième de ce couloir décrété «réserve naturelle».

Surtout, l’Etat hébreu a pris le contrôle de la plupart des sources d’eau, qu’il réserve presque exclusivement à 9400 colons juifs. Répartis dans 37 villages, ils se consacrent à une agriculture intensive, dont la plupart des produits sont exportés. Leur consommation d’eau représente un tiers de la quantité dont disposent les 2,5 millions de Palestiniens de Cisjordanie. Résultat: des puits palestiniens s’assèchent, pénalisant évidemment les paysans arabes.

Même la manne touristique échappe aux Palestiniens. La côte de la mer Morte est aux mains de colons. De même que les sources d’Ein Feshkha, mais aussi les grottes de Qumran ou le site du baptême de Jésus. Sans même parler de l’exploitation par des industriels israéliens des ressources minérales de cette région…

Déjà trop tard?

Bref, tout se passe comme si ce «territoire occupé» était en fait une zone annexée par Israël, note B’tselem, rappelant que le droit international en interdit la colonisation et l’exploitation. Or la vallée du Jourdain et la côte nord de la mer Morte constituent la principale «réserve de terre» pour un futur Etat palestinien, qui verrait décupler sa population en cas de retour massif des réfugiés. C’est aussi une zone vitale pour le développement économique de la Cisjordanie. Et l’unique voie de communication avec le monde.

Entre autres choses, Benyamin Netanyahou affirme l’exigence de maintenir une présence militaire israélienne le long du Jourdain. En théorie, cela n’implique pas forcément de conserver le contrôle sur la vallée. Mais le rapport de B’tselem pose implicitement cette question: l’Etat hébreu est-il encore prêt à s’en séparer? Ou est-il trop tard pour faire marche arrière, à l’instar des grands blocs de colonies le long de la ligne verte?

La vallée du Jourdain en Cisjordanie

URL du billet: http://www.tdg.ch/israel-annexe-vallee-jourdain-2011-05-29